Cet article va être un peu particulier puisque je ne vais pas vous donner des astuces de séjour. En effet, je vais vous relater mes aventures en mode journal intime, ou comment j’ai expérimenté voyage et coronavirus. Effectivement, je viens de rentrer de manière précipitée du Sénégal suite à la fermeture des frontières françaises.

Voyager en plein coronavirus ? Pas malin me direz-vous, c’est vrai… Mais cette expérience pour le moins inattendue et très intense a soulevé des questions. Sur ma responsabilité de voyageuse par exemple, et j’avais envie de vous raconter tout ça. Puis bon, j’ai le temps en confinement haha.

Une situation qui bascule en deux jours

Nous sommes parties la fleur au fusil vendredi 13 au matin, en se disant que la situation était sous contrôle. Mais déjà durant notre escale à Tunis, mon amie Lisa et moi avons senti un climat très particulier. Alors qu’à Orly tout était à la normal, à Tunis il y avait des panneaux coronavirus partout. Beaucoup portaient des masques, et on nous a pris notre température en blouse complète, de loin, avec une caméra thermique.

Arrivées au Sénégal, ça ne parlait que Coronavirus, notamment dans les taxis. Apparement, deux personnes censées rester en quarantaine ne l’ont pas respecté. A partir de là, on peut imaginer le pire niveau propagation…

Puis il y a eu une nouvelle allocution du gouvernement. Ainsi, dès le dimanche, nous avons compris que la fermeture des frontières ne serait qu’une question de temps. Nous avons alors essayé de rentrer après seulement deux jours. J’ai eu mal à mon bilan carbone…

Voyage et coronavirus : fausse bonne idée

Alors que de nombreux français étaient super contents de se retrouver au Sénégal plutôt qu’en France, Lisa et moi n’arrivions pas à occulter la situation. De plus on a ressenti une sorte de culpabilité à kiffer notre voyage alors que tout nos proches vivaient une crise sans précédent. Enfin, être dans l’incertitude et attendre que le gouvernement prenne de nouvelles mesures restrictives, il y a mieux pour découvrir un pays. Surtout que nous avons fait la connaissance de Julia, jeune italienne coincée au Sénégal et sans le sous depuis deux semaines…

voyage et coronavirus vue avion Et puis moi, je veux prendre les gens dans mes bras, ne pas avoir un mouvement de recul quand on veut m’embrasser. Je veux accepter la nourriture que l’on me tend, et partager un plat géant avec les mains à côté d’inconnus. Pour moi c’est ça le voyage. Et ça l’est  plus encore en Afrique. Bref, voyage et coronavirus ne faisaient pas bon ménage en ce qui me concerne. Alors j’ai su qu’il valait mieux revenir pour apprécier à sa juste valeur tout ce que ce pays a à offrir.

voyage et conoravirus sénégal

Rester ou repartir ? L’indécision totale

Pour autant, je ne vous cache pas que, moi qui sais toujours parfaitement ce que je veux, là j’étais une vraie girouette. Le matin je disais à Lisa de partir sans moi, 3 heures après je me disais qu’il fallait à tout prix partir. Et ça a été à peu près comme ça durant tout notre (petit) séjour.

Mais bon, je me disais toujours que si je devais rester coincée, c’était pour une raison. Que ça serait sans aucun doute une très belle opportunité de vivre au plus près des sénégalais. Je suis métisse, je pense que ça aurait été plus facile pour moi de ne pas être stigmatisée.

Situation de crise et montagnes russes émotionnelles

Le coronavirus est une crise sanitaire très grave et sans précédent, mais ce n’est pas une guerre, ni une explosion nucléaire. Et comparé à la crise climatique qui nous attend, c’est sans doute du pipi de chat. Pourtant, en temps de stress se révèle la vraie nature des gens…

La solidarité face au coronavirus

Lisa est une de mes amies les plus proches, nous avons donc vécu cette période de stress et de montagnes russes plus soudées que jamais.

Nous avons fait de super rencontres, comme Sacha, avec qui nous avons passé la journée à l’aéroport. On s’est trop marré, avons partagé plein de livres, reportages, anecdotes de voyage. Il y avait aussi ces français avec qui nous nous sommes serré les coudes à l’aéroport. Et puis Cinzia et Moussa, les propriétaires de notre premier logement qui, si nous étions coincées, acceptaient de nous héberger.  A la condition cependant que nous ne bougions plus de l’auberge. Egalement Seydou et sa famille qui ont proposé de nous héberger et de nous aider dans nos démarches… Un coeur gros comme ça !!Voyage et coronavirus tressage senegal

Voyage et coronavirus : quand le fric est roi

Mais cette situation nous a aussi mise face à une réalité : quand tu as de la tune à claquer, tu te sors très facilement de toutes les situations. Lorsque nous avons voulu payer notre billet d’avion retour le dimanche (en pleurant des larmes de sang), il s’est avéré que nos cartes ne passaient pas. Des problèmes de TPE visiblement.

On nous a dit de nous dépêcher car l’avion partait et qu’il ne restait plus que deux places. A coté de nous, un couple allongeait 3000 euros en toute décontraction pour partir en business. Nous avons tenté de payer en plusieurs fois, de changer de carte, rien ne passait. Un français est venu avec sa liasse de billets, et je vous avoue que son comportement nous a donné envie de l’étrangler : « ha ms vous n’avez toujours pas pu payer ? Ba moi quel heureux hasard je suis parti avec tout mon argent. Quoi que j’aurai pu rester ici, j ‘ai une maison. Mais bon, qui sait combien de temps les français vont rester coincés ».

Alors de deux choses l’une, soit tu payes et tu te casses, soit t’es dans la même situation que nous et on partage notre galère. Mais ce ton narquois en mode  » ho ba mes pauvres vous êtes vraiment dans la merde, allez tchao les nullos », comment te dire…

toubab diallao

Voyage et coronavirus : l’abus des compagnies aériennes

Je tiens à préciser que je m’estime trèèèès chanceuse. J’ai plein d’amis coincés en Amérique du sud ou ailleurs, ou qui ont du bien plus raquer que moi pour rentrer. Et puis, plus simplement, je suis extrêmement chanceuse d’être en bonne santé. D’être française également, et de ne pas être laissée dans la merde.

Confusion et désoeuvrement

Mais à travers le monde, le constat est le même :  les compagnies aériennes ont profité de la peur et de la confusion pour vendre tout et n’importe quoi aux gens désoeuvrés.

  • Vols vendus sur internet qui n’existaient plus du fait de la fermeture des frontières
  • Billets pour des vols annulés à répétition sans aucun geste commercial derrière pour le remboursement ou  l’échange
  • Prix indécents !! Certes je pense qu’il y a un algorithme qui gonfle les prix en fonction de la demande, mais quand t’en viens à proposer des billets à 9000 euros Cusco-Paris, tu plafonnes le truc quoi.

Je suis consciente que la situation est inédite pour tous : ambassade, professionnels du tourisme, compagnies aériennes…Ca doit être un vrai casse-tête à gérer pour les compagnies qui sont les premières touchées par la crise.

Cependant, je déplore le manque d’humanité de certains. De voir que cette situation de crise soit parfois l’occasion de faire du fric. Il serait temps de comprendre que c’est cette attitude qui fait que l’humanité court à sa perte.

Mon retour avec Air Senegal

Nous devions initialement rentrer avec  la compagnie Tunisair. Lorsque nous les avons vu à l’aéroport, un représentant nous a dit que nous pourrions échanger notre billet le lendemain à l’agence de Dakar. Heureusement que nous ne l’avons pas cru sur parole parce qu’à ce moment là, les vols étaient déjà suspendus vers la France. On va dire que c’est un manque de relais d’informations…Même pas sûre de pouvoir nous faire rembourser notre vol retour…

Les aventures avec Air Sénégal

Déconvenue numéro 1

Le lundi,  lendemain de notre soucis de paiement avec le TPE (et les distributeurs), nous nous sommes faites un virement par western union. Lisa et moi avons récupéré la tune et sommes reparties à l’aéroport (je n’en peux plus de cet aéroport). Là, le vendeur Air Sénégal nous a dit qu’il ne restait plus de place à deux et à moins de 1600 euros… Ne voulant pas nous séparer, nous avons pris un billet pour le jeudi, sans savoir encore que d’ici là, les frontières seraient fermées.

Déconvenue n°2

Le mardi, lorsque nous avons appris la fermeture des frontières, nous avons été au consulat de Saly qui nous a fermé la porte au nez. La madame aimable comme une porte de prison nous a envoyé chier en nous disant : « on ne peut rien faire pour vous, appelez cette ligne, mais ça va être saturé ». (Merci Simone). Elle nous a quand même dit de foncer à l’aéroport pour prendre les derniers vols commerciaux.

C’est reparti pour l’aéroport, et là on nous dit « c’est mort, les vols sont complets, attendez jusqu’à ce soir au cas où il y aurait des désistements ». Et si il n’y en a pas, le mieux qu’ils pouvaient faire était de nous rembourser la moitié de notre billet. Ceci à condition que l’on aille à l’agence de Dakar. Je précise que l’aéroport est à 57km de Dakar, et qui connait la circulation à Dakar sait ^^. Foutage de gueule ? Si peu.

Là juste tu te dis, ok, ce n’est pas de votre faute si les frontières ferment, mais pas de la notre non plus en fait. Là votre vol n’existe plus, la moindre des choses serait d’être flexible sur vos conditions commerciales en ces temps exceptionnels non ? NON. Ha ok, le fric avant tout, je suis si naïve.

Quand l’espoir renaît (lol)

On finit par prendre ça avec philosophie, nous allons être coincées, fauchées, mais au Sénégal ^^. Si c’est mon destin, alors je resterai au Sénégal. Oui parce que moi je crois en mon destin (c’est plus facile pour accepter les situations de merde haha).

Nous avons rencontré Sacha, avons mangé un super bon Tiep, et franchement nous avons passé de super moments.

Quand tout à coup (digne d’un romain d’intrigue) une gentille madame d’Air Senegal (enfin un peu de compassion) alpague Lisa. En effet, cette dernière nous cherchait partout pour nous mettre sur liste d’attente. AAAAlleluia. Mais encore faut-il attendre la fin de l’enregistrement à 23h30 pour savoir si on fera partie des élus qui monteront dans le dernier vol pour Paris.

Voyage, coronavirus, et comportements humains

Bien sûr, il y’en a qui avaient le bras long et qui, bien qu’après nous dans la liste d’attente, passaient miraculeusement avant nous après de longues discussions avec le personnel… Il y’en a aussi qui gueulaient quand  les familles avec enfants passaient en priorité (si si, je te jure). Leurs arguments :  eux aussi ont des enfants qui les attendent (oui ba moi j’ai un chat, on s’en fout en fait). Donc en gros le mec laisserait des familles avec bébés en galère, à minuit, coincées au Sénégal. Alors que lui était jeune, en forme… Ho ça réchauffe le coeur tant de solidarité.

Et la petite pénalité pour finir

On a fini par nous appeler pour embarquer, par chance nous étions dans les premières enregistrées. Et là, le personnel naviguant a annoncé à tous les gens sur liste d’attente qu’il fallait payer un supplément de 125 euros hahahha. Chose qu’ils s’étaient bien gardés de nous dire avant. Mais en fait là les gars, on vous rempli un avion à moitié vide en last minute. Nous ne devrions pas plutôt avoir une ristourne ? Et puis bon, si on veut jouer au con, c’est vous qui n’assurez plus votre vol de jeudi, on devrait être compensé non ?

Evidemment c’est une situation exceptionnelle, ce n’est la faute de personne. Mais on peut juste être solidaire et se serrer les coudes ou c’est trop demander ?

Conclusion

Bref, nous sommes rentrées. Et aussi fou que cela paraisse, à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, zéro contrôle. Pas de fiche sanitaire, pas de prise de température. Nous avons récupéré nos sacs, entassés les uns sur les autres, la moitié toussant pour je ne sais quelle raison, et roule ma poule.

Depuis mon retour, des rapatriements ont été organisés pour certains pays (pas tous), notamment le Sénégal, à prix contrôlés. Je ne blâme absolument pas le gouvernement français qui gère comme il le peut cette situation sans précédent. Et je nous trouve déjà bien chanceux de pouvoir compter la dessus en cas de soucis.

J’ajouterai qu’il me semble indispensable pour tout voyageur de s’inscrire sur le fil d’ariane, surtout lorsque l’on part hors d’Europe en mode baroude, seul, et que l’on déconnecte. Pour ceux qui ne connaissent pas, ce service du gouvernement permet de vous tenir au courant de la situation d’un pays et de savoir où vous êtes et quand en cas de pépin. Cela m’avait été indispensable également lors du tremblement de terre avec alerte tsunami vécu en Indonésie lors de mon tour du monde.

voyage et coronavirus avion

Ma remise en question

Cet épisode m’a fait me poser des questions, et je dois dire que je ne suis pas fière. Oui, tout a basculé en deux jours, et je vous assure que le lendemain de notre arrivée au Sénégal, nous avons compris que voyage et coronavirus n’étaient pas compatibles.

Moi, j’ai mis plus de temps à prendre ça au sérieux. Parce que je vivais mon rêve, que je me sens plus heureuse en Afrique qu’en France. Je me disais, après tout, mieux vaut vivre ça dans un endroit de rêve qu’en France où on se bastonne à coup de caddy.

La chance d’être français

Ca, je le savais depuis bien longtemps. Et toute personne qui voyage un minimum se sent extrêmement chanceux de l’être. Oui, car tu as beau te croire un citoyen du monde, en cas de crise, c’est la France ton pays. C’est vers elle que tu te tournes pour être aidé. Et quand on a vu que les hôtels commençaient à refuser les touristes, on a compris qu’il valait mieux vivre cette crise chez nous.

Je sais aussi que les Européens (blancs par extension) commencent à se faire mal voir à l’étranger, Afrique inclue. Pourtant, Lisa et moi n’avons eu aucun soucis. Bien au contraire, j’ai observé une solidarité immense des Sénégalais. Ils étaient désolés pour nous, plein de compassion. Ils nous ont invité à rester chez eux en cas de soucis et à nous aider quoiqu’il arrive…

Est-ce que nous Français aurions réagit de même si la situation avait été inversée et que les Africains avaient amené sur notre territoire une telle épidémie que le coronavirus ? Pas sûr du tout…

La conscience d’avoir clairement manqué de discernement

Cependant, je vous le dis en toute transparence, ce qui m’a le plus énervé, c’est que je ne me suis pas une seule seconde interrogée sur le fait de voyager en plein coronavirus. Alors oui, quand je suis partie, tout le monde minimisait encore le truc, moi la première et tout a basculé en 2 jours. Je voulais absolument partir, je ne pensais qu’à vivre mon rêve. Et j’ai sans doute été aveugle face aux avertisseurs qui clignotaient de plus en plus fort. En France, c’était très cool quand on est parti. Pas de masques aux aéroports, quasi pas de sensibilisation. Et quand on a demandé si cela posait problème de partir, la réponse était non. Mais je peux aussi penser par moi-même, et le constat est que j’ai été stupide.

Surtout quand je me dis que j’aurai très bien pu être une des personnes qui ont amené le virus au Sénégal. Rien que pour ça, comment penser que voyage et coronavirus puissent-être compatibles ? Quand j’ai compris ça, je me suis sentie stupide, et encore plus conne que ça ne m’ai pas traversé l’esprit une seule fois avant de partir. J’ai été égoïste et inconsciente. Et à l’avenir j’y penserai à deux fois afin que ma passion des voyages ne prenne plus le pas sur ma responsabilité de voyageuse.

La suite

La situation en Afrique

Ce qui me fait le plus peur, c’est que les pays les plus vulnérables soient touchés. Les Africains avec qui j’ai eu la chance de parler sont en colère.  Contre l’injustice qu’ils vivent au quotidien, la spoliation permanente de leur richesses par les occidentaux, la corruption, leurs dirigeants…Et là, cette crise.

Ils ne reçoivent aucune aide de l’état et ne peuvent même pas envisager de choisir leur santé au détriment de leur travail. Effectivement, faire ce choix, c’est condamner leur famille. Ils vivent au jour le jour, sans savoir de quoi demain sera fait. Rendez vous compte combien nous sommes privilégiés de ne même pas nous poser la question du confinement !! S’en plaindre est indécent, parce que c’est un luxe.

L’Afrique, c’est une culture de partage, de solidarité. On mange tous ensemble dans le même plat, on s’embrasse, on vit ensemble. C’est aussi une population qui s’en remet souvent totalement à la religion. Et c’est ça qui me fait le plus peur. En effet, le nombre de fois où nous avons entendu que le coronavirus était une fake news, que dieu les protégera, qu’ils n’y croyaient pas…

J’espère de tout mon coeur que les mesures prises rapidement permettront d’endiguer la propagation du virus. L’Afrique ne mérite pas ce coup dur, et j’aimerai que, pour une fois dans l’histoire, elle soit épargnée.musicien senegal

Vers quoi allons-nous ?

Les comportements observés durant cette crise sans précédent me font dire que nous n’avons encore rien compris. Dans ma naïveté, j’espère que les humains ressortiront de tout cela plus solidaires et moins cons. Que l’on se rendra compte que nous ne sommes rien sur terre. Et que c’est de croire le contraire qui nous mène sûrement et de moins en moins doucement à notre perte.

Voir le positif quoi qu’il arrive

La nature reprend ses droits et tous les êtres qui la peuplent sont mieux sans nous. Va t-on enfin comprendre que nous ne sommes pas plus important qu’un cloporte sur cette terre (ou tout du moins aussi important) ? Va t’on enfin comprendre que le pire est à venir, et à venir vite ? Je l’espère…

Mais à partir du moment où les gens se battent pour du PQ (alors que, gars, prend une douche au pire c’est plus hygiénique) je crois que tout est dit non ?

Une telle crise est dramatique, mais selon moi, c’est aussi une occasion de rectifier le tir. De se remettre en question en comprenant que jusque là on a eu tout faux et d’apprendre de ses erreurs. Je ne sais pas comment ressortira le monde de cette crise, mais si rien ne change, c’est vraiment que nous sommes une cause désespérée.

Prenez bien soin de vous. Restez chez-vous et, quand on boira des coups au soleil avec ceux qu’on aime, on se rendra compte que rien n’est acquis.  Qu’on a tellement été des putains de privilégiés dans ce monde de brutes, qu’on ne se rendait même pas compte de la chance qu’on avait.